Alfonso l'arriero
Alfonso, 60 ans, est arriero (muletier) depuis 35 ans. Il est né
et vit toujours à Cashapampa, un pueblito Queshua situé dans
la Cordillère Blanche a 2900 m d'altitude, au Pérou.
Dans sa vie quotidienne, Alfonso parle le Queshua. Il communique avec les
gringos (étrangers) en espagnol.
Fils de paysan, il cultive également la terre en dehors de son travail
d'arriero: maïs, patate, kiwicha (céréale). Il a 5 burros
(ânes) dont Francisco, 15 ans, qui nous a accompagné sur un
trek de 4 jours.
Alfonso vit aujourd'hui seul, sa femme est partie avec un autre homme. Il
a 5 enfants. Le plus jeune a 20 ans. Deux de ses filles sont restées
vivre a Cashapampa. Ses autres enfants sont venus grossir les chiffres de
l'exode rural pour Lima.
Etre arriero, c'est dur. Cela signifie partir plusieurs jours dans la montagne
alors qu'il n'est pas équipé pour le froid. Il marche avec
des sandales, dort dans une tente avec une simple couverture, est tributaire
de ce que les gringos veulent bien lui donner a manger. Quand le trek est
terminé, les touristes lui reprennent la tente pour la rendre à
l'agence de location, alors qu'il a encore un long chemin avec son âne
pour rentrer chez lui. Il dort alors dans des grottes ou profite de la pleine
lune pour effectuer les 14 heures de marche qui le sépare de son
village.
Alfonso envisage de travailler au moins jusqu'a 70 ans. Il n'aura pas de
retraite car il est à son compte (au Pérou, la retraite est
réservée aux fonctionnaires). Il aimerait arrêter son
difficile métier pour être cuisinier accompagnant les groupes
de touristes. Ainsi, il n'aurait plus besoin de ramener son âne à
pied pendant de longues heures une fois le trek terminé.
Alfonso vit la Cordillère Blanche.
Il connait tous ses sommets, tous ses dangers.
Il sait le froid. Il sait la pluie et le brouillard.
Ses pas ont foule pendant 35 ans chaque brin d'herbe, chaque caillou.
Il connait chaque glacier. Il les voit fondre, et ne sait pas pourquoi.