P. Amphoux,
L. Mondada, Le chez soi dans tous les sens, Arch et comp, Vol 5 n°2,
L'identification exclusive du "chez soi" au lieu du logis se fonde
sur des raisons fort diverses : les habitudes culturelles de notre civilisation
sédentaires en constituent une, la volonté de matérialisation
des besoins, désirs, représentations du sujet par une société
de consommation en constituent une autre. Le concept du chez soi renvoie ainsi
à un paradigme latent qui juxtapose des valeurs de permanence, de stabilité
ou de sécurité, et qui privilégie les figures spatiales
de la clôture, de l'enfermement et de l'immobilité.(…)
une autre configuration peut être imaginée, qui s'inspire du
mouvement même de l'affranchissement de l'origine et de l'élargissement
du mot, et qui s'interroge en même temps sur les conditions de possibilité
de l'identité subjective dans un rapport dynamique et nomade à
l'espace. Le chez soi devient, selon cette dernière perspective, un
rapport que le sujet recrée sans cesse avec les espaces qu'il parcourt,
dans l'élaboration d'un sens qui n'est ni répétition
ni identification, mais genèse de structures et de repères produisant
un sentiment d'étrange familiarité. Centré sur la subjectivité
et le corps propre du "je", ainsi que sur sa sensibilité
spatiale, le sentiment du chez-soi s'établit dans une mise en relation
spécifique du sujet à l'espace, où reconnaissance et
créativité vont de pair, où la structuration du sens
spatial se fonde à la fois sur un repérage familier et un balisage
inconnu. La capacité qui est ici reconnue au sujet est la compétence
à produire du sens à partir d'une structure minimale; sa nécessité
ne s'exprime pas en termes d'objets à posséder, mais de structures
de l'être à investir dans des relations qualitatives. Une telle
construction du sens spatial (entendue à la fois comme signification,
sensibilité, et direction) renvoie alors plus concrètement à
l'appropriation de l'espace par le sujet : non pas propriété
au sens de possession mais propriété au sens de qualité
propre à un espace - à la lettre un espace propre dans un temps
paradoxal.

