Un regard moqueur et une barbe blanche à la Hemingway, Francisco
est mécano sur "l'ebenezer" un petit bateau de pêche
chilien. Il a 45 ans et fait ce métier ingrat depuis l'age de 14
ans. Il a passé plus de temps à parcourir les eaux violentes
du Pacifique à la recherche de l'albacore ou de la morue qu'à
s'occuper des siens. Ce foutu boulot détruit les familles, mais
c'est le boulot. Les campagnes de pêche au harpon durent en moyenne
deux mois. Deux longs mois sur un petit bateau scellent l'amitié
entre six hommes, sa deuxième famille. Heureusement, le fils de
Francisco a suivi les traces de son père. Il est marin-pêcheur
et les deux hommes travaillent sur la même embarcation.
Enfin, le travail se termine. Enfin, trois délicieux jours de repos
avant de reprendre la mer pour rentrer à la maison, à Lebu.
Les marins viennent d'accoster sur le port d'Iquique, et ils déchargent
à l'aide d'un treuil mécanique les corps inertes sans tête
d'énormes albacores, disposés directement sur une balance
pour la pesée.
Mais le fruit de cette pêche dangereuse, Francisco le sait et le
déplore, ne restera pas sur le territoire chilien. Embarquement
immédiat pour l'Europe. Cette même Europe qui, il y a quelques
années, a pollué l'océan Pacifique, son lieu de travail,
avec ses maudits essais nucléaires. Amertume. Le poisson non plus
n'a pas aimé…
Oui, les eaux sont moins poissonneuses aujourd'hui. Il faut toujours aller
plus loin, plus longtemps. Les scientifiques disent bien qu'il est désormais
nécessaire de limiter la sur pêche, mais comment vivre alors
?