Jean-Claude
Guillebaud, L'esprit du lieu, Arléa, 2000
Il y a deux types de voyage. Il y a les expéditions, qui traversent
des villes et des pays comme on établit des records, qui criblent de
flashs des monuments décapités, cachés derrière
des bras et des jambes rougeaudes sous des shorts et des maillots suants.
Et il y a les voyages lents, hors-saison, si lents que l'on finit lorsqu'on
les pratique par s'inquiéter des débarquements de touristes
qui, quelques jours ou quelques semaines plus tôt, étaient encore
nos concitoyens. Jean-Claude Guillebaud préfère ces voyages-ci.
A l'ancienne, pourrait-on presque dire. Des voyages avec Paul Morand. Ses
carnets de notes sont courts et ne s'encombrent pas de mille adresses qui
se font concurrence et affichent dès l'entrée le logo fétiche
qui rassurera le touriste. Ils sont courts, parce qu'ils ne visent qu'une
seule chose : traduire l'esprit du lieu. Cette atmosphère qui résume
un pays ou une ville. Cette odeur qu'on ignore sur le coup, mais qui se répand
hors de nos bagages sitôt de retour. Cette lumière enfin, qui
marque la rétine et rejaillit quand, après plusieurs années,
on se souvient… Ils sont courts, car ce sont des fulgurances synthétiques,
jaillies d'une église, d'une rue ou d'un restaurant. Ils sont courts,
et c'est tant mieux : ainsi ils tiennent dans la poche, et font d'un simple
touriste un frère venu de loin saluer sa famille à l'étranger,
découvrir émerveillé son cadre de vie. Et de retour chez
lui, poser un regard neuf donc essentiel sur son propre univers. A bon voyageur…
BP
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