Claude
LéviStrauss, Tristes tropiques, Pocket, coll. « Terre humaine
», 2001.
L'auteur décrit avec force détails les particularités
culturelles des Indiens Bororos, Nambikwaras, Tupis vivant sur le plateau
du Mato Grosso (Brésil), qu'il a côtoyés pendant des années.Mais
en même temps qu'il dépeint ses pérégrinations
passées, il propose sa vision du voyage. On ne peut, selon lui, percevoir
l'autre tel qu'il est que par une opération de « triple
décentrement » : le voyageur doit garder à l'esprit
le fait qu'il a certes changé de lieu, mais aussi de temporalité,
puisque le « progrès » ne touche pas toutes les
parties du monde à la même vitesse, et enfin de classe sociale,
car l'argent dont on dispose n'a plus la même valeur en un autre point
du globe. Toutefois, ce regard particulier est rarement de mise. Ainsi, la
célèbre phrase d'introduction du livre - « Je hais
les voyages et les explorateurs » - doit se comprendre comme une
critique de l'exotisme et du sensationnel présents dans tant de récits
d'aventures et qui débouchent sur la fabrication de stéréotypes,
dont se repaissent les touristes.
Au-delà de cette simple critique, le propos est de toute manière
quelque peu désabusé : c'est que l'arrogante civilisation
occidentale ne semble amener partout que guerre et désolation, provoquant
l'extinction de nombreuses peuplades « primitives »
et dévastant l'écosystème. De ce point de vue, les tropiques
paraissent bien « tristes », car les voyages nous montrent
finalement « notre ordure lancée au visage de l'humanité »...
Ouvrage poignant, Tristes tropiques porte en soi le remords de l'Occident
et la difficile posture de l'ethnologue, écartelé entre des
mondes inconciliables.
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