Après plus de 3 mois passés dans une Bolivie
grouillante, brouillon, pauvre, indisciplinée, parfois sale et
toujours brute, authentique et terriblement attachante, la transition
avec le Chili est choquante.
Nous entrons dans un Chili aseptisé, légaliste, triste et
rigide.
Au poste frontière, de grands panneaux préviennent de manière
autoritaire qu'il est interdit de transporter dans nos bagages tous types
de fruits, légumes, racines ou graines provenant de Bolivie. Sécurité
alimentaire oblige. Nous avions oublié l'acharnement sociétal
des pays riches à limiter les risques. Fouille des sacs obligatoire
par des douaniers arrogants aux mains gantées de plastique. Nous
transportons de l'essence et un couteau mais une orange ou des graines
de quinoa sont bien plus dangereuses...
Les formalités d'usage accomplies, nous prenons un bus pour San
Pedro De Atacama. Un véhicule rutilant, avec ceintures de sécurité,
vitres électriques et étiquette sur le pare-brise attestant
d'un récent contrôle technique. Décalage radical.
Les routes sont bien goudronnées, protégées de glissières
de sécurité et encadrées de voies d'urgence. Des
panneaux indicateurs partout, le respect scrupuleux du code de la route
par les automobilistes... Un monde diamétralement opposé.
Une foule disciplinée et silencieuse dans un terminal de bus propre
et flambant neuf, des gardiens interdisant l'accès aux quais...Que
de détails jurant avec nos souvenirs boliviens !
Un sentiment de tristesse et de malaise nous envahit. Nous sommes nostalgiques
du brouhaha et de l'indiscipline des Boliviens.
Le contraste est si saisissant que la société chilienne
aseptisée nous rappelle la théorie de la panoptique de Michel
Foucault selon laquelle à force de se savoir surveillé et
policé, nous intégrons un comportement discipliné
se subordonnant presque à la police.
Le décalage entre ces deux pays est d'autant plus manifeste que
ce sont des états limitrophes aux cultures voisines, à la
différence près que l'un est pauvre et l'autre riche.
Le niveau de vie déterminerait-t-il le degré d'individualisme,
d'auto-discipline et d'idéologie sécuritaire d'une société
?