Vous m'appelez manchot de Magellan. Mère-Nature
a toujours hésité à me catégoriser comme oiseau
ou comme poisson. Je peux nager très vite et rester longtemps sous
l'eau, mais pas autant qu'un poisson bien sur ! Je ressemble un peu à
un oiseau, sauf que je ne sais pas voler et que je me déplace gauchement
sur terre. Du coup, l'indécision de la Pachamama multiplie mes
prédateurs. Sous l'eau, je me fais attaquer par des orques, des
requins, des lions et des éléphants de mer. Sur terre, les
grands oiseaux volent nos œufs et enlèvent nos petits.
Contrairement aux lions de mer, nous, les manchots, tenons les femmes
en grande estime et nous marrions pour la vie. Nous préparons le
lit matrimonial pour recevoir nos dulcinées qui pondront deux œufs
au mois d'octobre. Nos rejetons voient le jour mi-novembre. Ils naissent
avec un duvet gris tout doux qu'ils perdront mi-janvier pour ressembler
à leurs géniteurs.
C'est du boulot deux bébés manchots... ma femme et moi même
nous relayons pour les surveiller et leur apporter des poissons et des
calamars pré-digérés qu'on leur introduit doucement
dans leurs gosiers.
Qu'ils ont l'air drôle ces adolescents, avec leurs nageoires d'adulte,
ils semblent porter un pull avec des manches bien trop grandes leur donnant
l'air de rester toujours les bras ballants !
Nos jeunes enfin autonomes prennent la mer au mois de mars. Nous nous
reposons mon épouse et moi un petit mois supplémentaire,
puis, tels des nomades, nous replongeons en mer pour passer l'hiver sous
des cieux plus cléments. Nous sommes malheureusement de plus en
plus dérangés par vos bateaux peuplant l'océan atlantique.
Pollution auditive, accidents et déversements de pétrole
deviennent notre lot quotidien.
Je rêve qu'un jour, il n'y ait plus de pétrole...
Mais qu'inventeriez-vous alors ?