Victor, 57 ans, est gardien de la laguna Culicocha (4630 m) dans la Cordillère
Blanche. Son poste est situé dans un chaos de roche et de glace,
surmonté par le mont Santa Cruz (5829). C'est une zone inhospitalière
située à deux jours de marche du moindre hameau.
Il est employé depuis 30 ans par la société du canyon
del Pato, qui gère l'eau de la vallée. Il s'occupe de faire
les relevés hydrométriques de la laguna de janvier a juin.
Son travail est sous contrat renouvelable.
Ce qui est dur dans son métier, c'est la solitude. Il passe six mois
de l'année isolé dans son poste de garde. Il y a bien la radio
et quelques gringos qui passent aux abords du lac, mais ce n'est pas la
grande foule. Victor se demande d'ailleurs qu'est ce qui motive ces derniers
à gravir les montagnes…
Victor compte travailler tant qu'il en aura la force. La petite retraite
de l'entreprise pour laquelle il travaille et qu'il aura droit de toucher
a l'age de 65 ans ne lui suffira pas pour vivre (150 soles par mois soit
35 euros).
Quand il ne travaille pas, Victor est campesino. Il a une ferme et cultive
des patates, un peu de mais et du Tarwi. Il a également quelques
poules, une brebis, et un gros chien, qu'il appelle ¨Gringo¨.
Sa femme l'a quitte il y a bien des annees. Il a quatre enfants. Les deux
plus jeunes ont suivi leur mère à Lima. Victor n'a aucune
nouvelle et ça le rend triste. Les deux autres sont restes dans son
village, à Huylas. Apres la séparation, il est retourne vivre
auprès de sa mère, qui a 97 ans.
Les parents de Victor sont Quechuas, mais ils n'ont pas voulu lui transmettre
leur croyance. Ils font partie de cette génération pour laquelle
la langue et la culture indigène n'étaient pas une fierté.
Il fallait ´´´s'espagnoliser´´ pour être
intégré a la nouvelle culture dominante colonisatrice.