Les femmes boliviennes adoptèrent donc cette jupe étrangère, et avec le temps, se l'approprièrent, au point que cette dernière devienne un symbole d'orgueil et de statut social. Du néant, les chulas recréèrent ainsi du symbolisme identitaire: La jupe s'étoffa de plusieurs jupons, marquant selon leur nombre le statut marital. Aujourd'hui encore, les femmes mariées portent trois ou quatre jupons, alors que les jeunes filles célibataires n'en portent qu'un ou deux. La jupe fut baptisée "pollera", en référence à la forme de grosse cage dans lesquelles les femmes élevaient des poulets. Une belle pollera nécessite au moins six mètres de tissus pour sa confection.

Le chapeau melon, autre attribut de la tenue des cholas, fait appel quant à lui à un intéressant processus d'appropriation et d'emprunt sélectif volontaire de la culture indigène à la civilisation occidentale. Le "bombin" au charme typiquement british, porté entre autre par Charlie Chaplin fut introduit en Bolivie au début du XX eme siècle par des ouvriers anglais venus aider a la construction de routes et de chemins de fer. Un chapelier importateur aurait reçu par erreur une grande quantité de bombin couleur café au lieu des chapeaux melon noirs commandés par sa clientèle d'ouvriers anglais. Voulant tout de même écouler son stock, le chapelier eut l'idée de les orner de bijoux pour flatter la coquetterie des femmes boliviennes. Il assura de surcroît à ses nouvelles clientes potentielles que le port de ce type de couvre-chefs leur assurerait la fertilité ! Les cholitas adoptèrent le bombin et ce chapeau devint au XX eme siècle le symbole de la cholanité, porté par des femmes mariées marchandes de profession, issues de milieu populaire, mais respectables et autoritaires.

Cependant, l'utilisation discriminante de l'appellation cholas a perduré dans l'inconscient collectif de la societe conservatrice bolivienne issue de la colonisation, et cette dernière, il y a encore peu de temps, ne voyait pas d'un bon oeil l'entrée d'une chola à l'université ou dans un hôtel quatre étoiles ...
Néanmoins, l'arrivée d'Evo Morales à la présidence de la république bolivienne en 2006 a profondément transformé les représentations sociales de la cholita. Lui, Indien Aymara issu du peuple d'une mère chola, a favorisé une revalorisation de la culture indigène dans la societe bolivienne. Il a instauré une fête populaire annuelle, "el gran poder", qui célèbre les cholas et leur costume traditionnel en tant que symbole identitaire bolivien, fière expression du métissage du pays.

ITINERANCE-ANDINE
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