A chaque étage écologique, correspond une figure mythique
qui participe directement à la vie et à l'économie
du peuple Aymara, et un rite associé unissant dans un même
acte l'activité religieuse et économique de ces derniers.
Aux monts, correspond la figure du Mallcus, esprit des hautes montagnes
enneigées, source de l'eau et la de vie, car ce sont les glaciers
qui alimentent en eau les zones plus basses. Ce dieu est également
le seul propriétaire des animaux. Il prête ces derniers aux
hommes. Faire mal aux animaux l'offense directement. Son animal fétiche
est le condor, roi des hauteurs. La fête consubstantielle est célébrée
au mois de février, et a pour objet la protection contre les maladies
pouvant affecter les troupeaux de lamas et d'alpagas, seule activité
économique possible à de telles altitudes. A travers ce culte,
les Aymaras favorisent la réciprocité en réactualisant
la relation Homme-Nature pour s'assurer leur subsistance.
Le deuxième niveau correspond aux pâtures de l'Altiplano, représentées
par la Pachamama. Cette figure mythique incarne le pouvoir créateur
de la Nature, la fertilité, l'abondance de vie. L'animal associé
est le puma, animal sauvage vivant sur l'Altiplano. Le lieu de célébration
attribué est le Corral, enclos rond constitué de pierres sèches
où le troupeau est rassemblé chaque nuit. Le rite du "Floreo",
au mois de juillet, permet de compter le troupeau et d'évaluer les
naissances. Cette fête célèbre la Pachamama nourricière
du troupeau. Le plus beau lama est alors sacrifié en son honneur.
Ce "pago à la Tierra" (paiement à la Terre) constitue
un geste vital plus que rituel. Il constitue un culte de reconnaissance,
d'humble supplique, de réciprocité.
Les vallées agricoles constituent le troisième niveau écologique.
Les Aymaras y cultivent du quinoa, des patates et du mais. Le dieu Amaru
symbolisé par un serpent, est le dieu des rivières et des
canaux d'irrigation. Il distribue l'eau du haut vers le bas. Pendant le
rite associé, les paysans nettoient collectivement les canaux d'irrigation
pour une meilleure fluidité.
Ainsi, le pastoralisme, l'agriculture, les différents étages
écologiques et les niveaux d'habitats correspondants sont colorés
d'une dimension symbolique dans la cosmovision andine. Les Aymaras, à
leur manière, ont inventé une conscience écologique
en amont de la dégradation de l'environnement, une forme de préservation
de la Nature. Nous ferions bien de nous en inspirer, nous qui avons enclenché
un processus de destruction de notre planète avant de réaliser
qu'il fallait en prendre soin.
