Sols acidifiés par les pins
«Grâce à cet espace regagné par la lutte , se félicite Rodrigo Huenchullan, 26 ans, nos familles peuvent avoir plus de bétail et vivre mieux.» Cependant, la terre récupérée est encore incultivable. Les sols ont été acidifiés par les pins. «On arrache les plantations exotiques pour laisser repousser les espèces locales, et la nature reprend peu à peu le dessus.» Pour gagner leur vie, beaucoup de jeunes sont obligés d'émigrer vers le nord durant les mois de cueillette de fruits. Et le manque de terre a déjà poussé certains vers les périphéries pauvres des villes. Plus de 50 % des Mapuches (1) seraient citadins.
Selon un sondage de 2002, 28 % des Indiens vivent sous le seuil de pauvreté. Temucuicui ne fait pas exception. Dans la maison contiguë à celle de Rodrigo, son frère Jaime vit avec sa femme Griselda et leurs deux enfants Mankilef, 3 ans, et Wanglen («Etoile de l'aube»), 4 ans. S'il y a l'électricité et l'eau courante, une cuisinière à bois et une télé, les portes se résument à un tissu passé dans une ficelle détendue et les toilettes sont dehors. Ils n'ont pas de voiture. Le bourg le plus proche, Ercilla, est à une heure de marche. Des conditions de vie difficiles dans une région où il pleut plus de la moitié de l'année, et où les températures peuvent tomber à moins 5 en hiver. «Jaime est tellement souvent en prison ou recherché qu'il ne peut pas cultiver. Parfois, on n'a pas de quoi manger.» Comme son mari, une quinzaine d'hommes de Temucuicui sont poursuivis par la justice.
Après avoir récupéré la parcelle de Mininco, la communauté vise les terres qu'elle estime usurpées par un grand propriétaire agricole, René Urban. Ce descendant d'émigrés suisses a vu sa maison, quelques-uns de ses champs et des véhicules brûler en 2002. Il accuse également les Mapuches d'avoir égorgé ou volé plusieurs de ses vaches. Cet homme influent, qui garde un portrait de Pinochet dans son salon, est à l'origine de la plupart des plaintes contre des habitants de Temucuicui. Se disant menacé de mort, René Urban a obtenu la protection de plus d'une centaine de policiers pour le défendre, lui, sa famille et ses terres. «Je ne vois pas ce que veulent ces gens, tonne l'imposant septuagénaire. Quand ils ont des terres, ils ne les cultivent même pas. Je n'ai pas l'intention de partir. Cette terre, je la tiens de mes aïeux.» Ses grands-parents sont arrivés au début du XX e  siècle. D'autres, déjà au Chili, leur en avaient conté les merveilles.


ITINERANCE-ANDINE
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