«Ignorants, paresseux et alcooliques»
«Tous ces colons ont bénéficié de terres prises aux Mapuche s, remarque Fabien Le Bonniec, doctorant en anthropologie à l'Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris. Jusqu'au milieu du XIX e  siècle, le territoire des Mapuches est indépendant. Il recouvre 5 millions d'hectares au sud d'une frontière tracée par le fleuve Bio Bio et au nord du fleuve Tolten. Après la «Pacification de l'Araucanie» (1861-1883), douce appellation de ce qui fut une guerre d'annexion sanguinaire, l'Etat chilien les réduit à vivre sur 500 000 hectares, dans des réserves. Sur les plaines fertiles de cette région, «le Chili veut faire son grenier à céréales, explique Fabien Le Bonniec. A l'époque, et c'est malheureusement encore souvent le cas, on considère le Mapuche comme un paresseux, ignorant et alcoolique. On incite donc les Européens à venir cultiver au Chili.» Dans les capitales européennes s'ouvrent des bureaux de colonisation offrant des «terres vierges» . Une famille européenne peut se voir offrir 150 hectares quand une famille mapuche se retrouve avec 3 hectares, souvent peu fertiles.
Sur certains murets de Temucuicui, on peut encore lire «Votez Rodrigo Huenchullan pour les municipales». Traces d'un passé où la communauté croyait encore à la politique. «Nous avons tout essayé pour faire valoir nos droits , insiste Rodrigo. Mais la discrimination est trop forte.» Les Indiens n'attendent pas grand-chose de la Conadi, qui leur a pourtant déjà restitué plus de 100 000 hectares. Cet organisme est né en 1993 avec la loi indigène, censée protéger les terres et ressources naturelles des peuples autochtones. Mais son budget n'est évidemment pas à la hauteur des revendications territoriales des Mapuches.
Quant à la loi indigène, souligne le maire de Tirua, Adolfo Millabur, l'un des rares élus indiens, elle est d'une portée très limitée, car «toutes les autres lois, celles sur la pêche, la mine, l'électricité notamment, prévalent sur ce texte !» Résultat, le territoire mapuche continue d'être grignoté légalement par les entreprises hydroélectriques, touristiques et les multinationales du bois, comme c'est le cas depuis la libéralisation économique entamée sous la dictature de Pinochet (1973-1990).


ITINERANCE-ANDINE
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