Indiens Mapuches : le cri de la terre (Claire Martin, Libération, 24/03/2008)
«Je croyais qu'avec la présidente
Michelle Bachelet tout allait changer», soupire Carolina Huenucoy, une
Mapuche vivant à Puerto Eden, dans la région des fjords à
la pointe sud du pays. Elle, qui a fait partie des comités de campagne
de la candidate socialiste élue en mars 2006, se dit très
déçue. Arrivée à mi-mandat, la présidente
socialiste n'a toujours pas tenu sa première promesse aux Indiens :
réviser la Constitution pour reconnaître le caractère
multiethnique de la population chilienne.
Son équipe n'a pas non plus mis fin à la politique répressive
menée sous les gouvernements précédents. Le Chili a été
épinglé à plusieurs reprises pour sa «criminalisation»
de la protestation des Mapuches. Tout au plus Michelle Bachelet s'est-elle
engagée, sous la pression internationale, à ne plus appliquer
la loi antiterroriste qui, en 2002, a valu dix ans de prison à
six leaders indiens.
Au total, les Mapuches ont une quinzaine de «prisonniers politiques»
derrière les barreaux. Le rapporteur spécial de l'ONU sur les
droits des peuples autochtones, les associations Amnesty International, Human
Rights Watch et la Fédération internationale des droits de l'homme
ont demandé à plusieurs reprises la révision de leurs
procès. En vain. Et les poursuites pour délits ordinaires se
multiplient. De même que continue le harcèlement policier.
«J'élève mes enfants avec les forces spéciales
des carabiniers, se désespère Griselda Calhueque. Ils débarquent
constamment sans mandat de perquisition, à 5 heures du matin,
donnent des coups dans la porte, cassent les vitres, retournent les matelas,
nous mettent dehors avec les petits dans le froid. Si je proteste, je reçois
des coups de crosse. Pour eux, nous ne sommes pas des personnes, seulement
de sales Indiens.» Depuis peu, l'épouse de Jaime amène
ses enfants chez le psychologue à Ercilla. «Ils ne veulent plus
jouer seuls dans la cour, explique-t-elle . Dès qu'ils entendent un
bruit d'hélicoptère ou une voiture, ils se cachent, terrifiés.
Ils ont peur que la police vienne arrêter leur père.» Jaime
est poursuivi pour six délits à cause d'un incendie, en 2006,
sur la propriété de René Urban. Il refuse de se rendre
et d'attendre son procès en détention préventive. Lui
et son frère Rodrigo ont choisi la clandestinité, car ils ne
croient pas à la justice chilienne. «Face à un René
Urban, la parole d'un Mapuche ne vaut rien, tranche Jaime. Nous avons réuni
des preuves que deux des quatre accusés se trouvaient à plus
de 600 km ce jour-là. La cour ne les a même pas prises en compte.»
