«Je croyais qu'avec la présidente Michelle Bachelet tout allait changer», soupire Carolina Huenucoy, une Mapuche vivant à Puerto Eden, dans la région des fjords à la pointe sud du pays. Elle, qui a fait partie des comités de campagne de la candidate socialiste élue en mars 2006, se dit très déçue. Arrivée à mi-mandat, la présidente socialiste n'a toujours pas tenu sa première promesse aux Indiens : réviser la Constitution pour reconnaître le caractère multiethnique de la population chilienne.
Son équipe n'a pas non plus mis fin à la politique répressive menée sous les gouvernements précédents. Le Chili a été épinglé à plusieurs reprises pour sa «criminalisation» de la protestation des Mapuches. Tout au plus Michelle Bachelet s'est-elle engagée, sous la pression internationale, à ne plus appliquer la loi antiterroriste qui, en 2002, a valu dix ans de prison à six leaders indiens.
Au total, les Mapuches ont une quinzaine de «prisonniers politiques» derrière les barreaux. Le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, les associations Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération internationale des droits de l'homme ont demandé à plusieurs reprises la révision de leurs procès. En vain. Et les poursuites pour délits ordinaires se multiplient. De même que continue le harcèlement policier.
«J'élève mes enfants avec les forces spéciales des carabiniers, se désespère Griselda Calhueque. Ils débarquent constamment sans mandat de perquisition, à 5 heures du matin, donnent des coups dans la porte, cassent les vitres, retournent les matelas, nous mettent dehors avec les petits dans le froid. Si je proteste, je reçois des coups de crosse. Pour eux, nous ne sommes pas des personnes, seulement de sales Indiens.» Depuis peu, l'épouse de Jaime amène ses enfants chez le psychologue à Ercilla. «Ils ne veulent plus jouer seuls dans la cour, explique-t-elle . Dès qu'ils entendent un bruit d'hélicoptère ou une voiture, ils se cachent, terrifiés. Ils ont peur que la police vienne arrêter leur père.» Jaime est poursuivi pour six délits à cause d'un incendie, en 2006, sur la propriété de René Urban. Il refuse de se rendre et d'attendre son procès en détention préventive. Lui et son frère Rodrigo ont choisi la clandestinité, car ils ne croient pas à la justice chilienne. «Face à un René Urban, la parole d'un Mapuche ne vaut rien, tranche Jaime. Nous avons réuni des preuves que deux des quatre accusés se trouvaient à plus de 600 km ce jour-là. La cour ne les a même pas prises en compte.»


ITINERANCE-ANDINE
Cliquez ici pour nous suivre au jour le jour