Une mauvaise piste sans fin traverse la péninsule de Mitre, lieu sauvage
peuplé de guanacos, situé au bout de la Terre de Feu. La
route débouche sur une plage infinie balayée par les vents
démoniaques de l’océan atlantique.
Et là, sur cette plage, une énorme forme oblongue, sombre
et statique semble en suspend sur l'écume des vagues venant tutoyer
les berges sablonneuses.
Un navire échoué !
Recouvert d'une épaisse croute de rouille, on peut tout de même
déchiffrer son nom et sa provenance :
DESDEMONA – BUENOS AIRES.
La vue de cette épave rongée par le vent et l'eau salée,
colonisée par des moules, des algues et même des touffes
d'herbes sèches éparses sur le pont, confère à
cette scène une dimension dramatiquement poétique. Les nombreuses
entailles et fissures sur les flancs rouillés de l 'épave
racontent son histoire. On croit presque entendre encore les cris des
marins en détresse par une horrible nuit de tempête...
Un changement brusque dans le paysage nous sort de notre rêverie.
La mer descend à une vitesse vertigineuse, dénudant entièrement
la Desdemona. Nous allons pouvoir l'approcher. Les énormes maillons
rouillés de la chaîne de l'ancre émergent par endroits
alors que la plus grande partie semble ensablée. Un peu plus loin,
deux ancres massives recouvertes d'algues s'égouttent tranquillement.