Le passage de Drake vu par mon estomac

Ushuaia, 16 janvier,

Billet pour l'Antarctique en poche, les quelques recommandations du tour-opérateur concernant un passage « un poco peligroso » (un peu dangereux ) excitent ma curiosité et m'incitent tout de même a jeter un coup d’œil sur internet. Après être monté très haut dans les Andes sans encombre et avoir survécu au bus péruvien « de la mort de mourir qui tue » sur des pistes défoncées, que peut-il m'arriver de plus dangereux ?
Monsieur Wikipedia m'alarme tout de même un peu...: le passage de Drake est le pire cauchemar des marins, le choc titanesque entre les deux océans, additionnés à des vents d'une violence inouïe, font de cet endroit le plus périlleux de la planète.
Petite crispation au coin de ma lèvre supérieure... mais je reste confiant. Notre navire, l'Akademik Ioffe, d'une sobriété "très bloc de l'Est", est réputé pour affronter les pires conditions maritimes, et il paraît aussi frêle que son nom est mélodieux,
Le voyage commence sur le canal de Beagle, je ne sens rien. Notre bateau, lancé à pleine vitesse, ne dévie pas d'un pouce de sa direction. Je pars me coucher l'esprit tranquille.
Au petit matin, on avale le Cap Horn pour le petit déjeuner... même pas mal. Je me vois déjà voguer sur tous les océans du globe, le nez au vent, à la proue du bateau, tel Captain Igloo et son ciré jaune.
Quelques milles plus tard, le ciel s'assombrit, le vent s'intensifie et l’océan devient une grosse bête en colère. Nous voilà à l'entrée du fameux passage de ce bon vieux Drake. Tant que je reste sur le pont du bateau, même pas mal, les grandes bouffées d'air frais et les embruns rafraichissent mes neurones et je me sens prêt à affronter Éole et Poséidon réunis !
Un appel dans les hauts-parleurs nous invite à rejoindre notre cabine car la station sur le pont devient trop glissante et la mer trop agitée. C'est d'ailleurs l'heure du repas. Le déjeuner se passe relativement bien, même si mon regard cherche souvent l'horizon à travers les hublots, à la recherche d'un point fixe. Mon système vestibulaire situé dans l'oreille interne commence manifestement à envoyer des signaux d'alarme.

ITINERANCE-ANDINE
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