L’après-midi, on nous propose d'assister à de petites
conférences dans des salles sans fenêtre situées au
fond du bateau ... mauvaise idée... Se concentrer sur des cours parlant
de biomasse et de ptéropodes alors que ma bouillie barytée
refuse de passer mon pylore intestinal, c'est trop me demander... je préfère
retourner dans la cabine m'allonger un peu, prétextant une mauvaise
digestion.
Quelques heures passent, le vent forcit, les vagues bringuebalent le bateau,
la couleur de mon visage passe au vert olive. Se concentrer sur un point
fixe dans la cabine … Mais il n'y en a plus ! Tout bouge ! Tous les
objets posés sur le bureau roulent un à un par terre, les
rideaux de ma couchette s'ouvrent et se ferment au rythme du tangage dans
un léger bruit répétitif insupportable, et mon estomac
est ballotté dans tous le sens...
Delphine arrive du bar, la bouche pleine, et me propose gentiment des cookies
tout chauds ! ARGH ! Damnation ! J'en rêvais, mais impossible d'en
avaler un ! Et me sentir dans une position faible alors qu'elle pourrait
faire les pieds au mur comme si de rien n'était titille tout de même
un peu ma virilité... Après une vaine tentative de lever,
je m'écroule, lamentablement.
L'idée-même de manger quoique ce soit, même des cookies
tout chaud (damned) provoque dans mon organisme des remontées gastriques
irrépressibles. Je passe bien sur sous silence les opérations
consistant à me lever de ma couchette pour me jeter désespérément
la tête dans le lavabo (lavabo soit dit en passant que les russes
devront changer avant leur prochain voyage, foi de matelot).
Les comprimés de Dramamine, censés agir contre le mal de mer,
se révèlent non seulement inefficaces, mais ils me font en
plus dramatiquement chuter la tension … je suis incapable de me tenir
debout...
Ce calvaire, durera deux jours et il y aura un bis repetita lors du retour.
Et pour remettre un peu plus en question ma masculinité, j'apprendrai,
une fois cet épisode vomitif achevé, que le passage de Drake,
d’après l'équipage, avait cette fois été
particulièrement calme !
M'en vais retourner dans mes montagnes, moi ...