Après le bon repas préparé par Benita, je rejoins les hommes pour finir le travail. Il reste encore au moins quatre aller retour à effectuer. En passant devant les deux jeunes bœufs ayant travaillé le matin même, nous constatons avec horreur que du sang coule de leurs narines et qu'ils semblent déséquilibrés. Les pauvres ont trop forcé et risquent de présenter de graves séquelles cérébrales.
Des larmes me viennent aux yeux alors qu'Alejandro se mord les lèvres. Il faut pourtant la rentrée cette maudite récolte et il est hors de question de remettre ces bêtes à contribution. Alex les surveille et les encourage à se mettre à l'ombre. Alejandro part chercher les autres bœufs mais n'en ramène qu'un, le second reste introuvable. Il doit donc choisir un autre jeune pour compléter la paire, ce qui déséquilibre l'attelage. Nous continuons à empiler les bottes de paille à la chaine alors que le ciel menace. Nous poussons à l'arrière « comme des bœufs » pour soulager la charge. Après deux transports, le jeune bovidé commence à donner des signes fatigue. J'alarme Alejandro, lui expliquant qu'il faut absolument le détacher et trouver un autre bœuf bien plus fort. Paulo, le plus jeune des fils, raille mes propos en prétextant que l'animal doit apprendre le travail. N'y tenant plus, je quitte le champ, en colère. Le vieil Alejandro, témoin de la scène, détachera le bœuf exténué alors qu'Alex partira à la recherche de l'autre animal plus résistant.
Heureusement il reviendra avec ce dernier et le travail pourra être achevé facilement avant la pluie. Les deux autres petits bœufs récupéreront et Alejandro saura désormais qu'il ne doit plus leur faire porter de charges.
Un séjour riche en partage et en émotions contradictoires, pendant lequel notre conception citadine anthropocentrée de l'animal s'est inévitablement heurtée avec la vision utilitariste du monde paysan.
Mais ont-ils d'autres alternatives ?

 

ITINERANCE-ANDINE
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