- "Avec quelles sauces ?" me demande la serveuse.
Avec toutes les sauces possibles pensé-je. Et puis non. Peut-être qu'Isabela n'aime pas les sauces. Je ressors du snack pour le lui demander:
- "Avec quelles sauces préférez-vous votre sandwich ?"
Isabela ne semble pas comprendre. Je me dis qu'elle ne connait peut-être pas les sauces de fast-food.
- "Mayonnaise ? Moutarde ? Ketchup ?"
Elle semble hésiter… Comble du luxe pour elle, pense-je, de pouvoir choisir…
- "Mayonnaise", finit-elle par décider.
Je prends les deux sandwichs, paye, ressors du snack et lui tends le petit
sac en plastique. Elle me remercie en baissant la tête, se retourne
et disparaît à petits pas pressés. J'espère qu'elle
sera contente de découvrir qu'il y a deux sandwichs. J'aurai aimé
parler avec elle un peu plus, mais je respecte sa réserve.
Impression fugace et fallacieuse d'avoir aidé quelqu'un. Ce n'est
rien. Rien qu'une goutte d'eau. C'est donner du poisson au lieu d'un filet
pour pêcher. Cela ne résoud rien.
La situation des personnes âgées en Bolivie
est dramatique. Le système de retraite n'est valable que pour les
personnes ayant cotisé durant leur vie professionnelle. Comme au
Pérou, plus de 80% de la population travaille au noir en Bolivie.
Les petits métiers improvisés sont légions, une véritable
économie parallèle de survie.
Une campesina vendra par exemple le fruit de sa petite récolte le
matin sur les marchés, puis s'improvisera vendeuse de jus de fruit
à la sauvette, avant de terminer sa journée de travail en
proposant dans la rue, pour quelques bolivianos, une soupe qu'elle a cuisinée.
Cette pluriactivité de subsistance, illégale mais tolérée
par l'état bolivien, ne permet pas de cotiser pour une hypothétique
retraite. Les anciens travaillent tant que leur corps ne les trahit pas.
Après, si leur famille n'est pas en mesure de les entretenir, ils
se retrouvent dans l'indigence.