À l’aube du 3 janvier, alors qu’il participait à une occupation de terre, le jeune mapuche Matias Catrileo est abattu à la mitraillette Uzi par un carabinier. Sa mort et la longue grève de la faim d’une prisonnière politique ont provoqué des troubles dans tout le Sud chilien.
EN CE BEAU MATIN DE JANVIER, plus de 1500 personnes sont venues assister aux funérailles traditionnelles. Parmi ses compagnons de lutte réunis en cercle autour du cercueil, certains étaient présents le jour où, âgé de 22 ans, Matias tomba. Ils durent quitter le terrain qu’ils comptaient occuper sous les tirs des carabiniers,emportant son corps inanimé. Atteint d’une balle dans le dos, un poumon transpercé, Matias avait tenté de fuir,mais,le souffle court,il n’avait pas pu franchir le fossé de quatre mètres de profondeur qui sépare la communauté du terrain particulier. Jorge Luchsinger, petit-fils de colons suisses et propriétaire du terrain,a fait creuser ce fossé afin de se protéger – la garde policière n’étant pas, selon lui, suffisante – des communautés voisines. « Il ne manque plus que les miradors », commente-t-il plaisamment.La vingtaine de personnes qui accompagnaient Matias décidèrent de ne pas abandonner le corps,de peur que les carabiniers n’essaient d’effacer leur crime.Poursuivis par plusieurs patrouilles,ils parcoururent une dizaine de kilomètres en portant sa dépouille. Finalement, avec la médiation de l’Église, le corps fut remis aux autorités après une journée de tractations, après avoir obtenu l’assurance que les carabiniers ne le manipuleraient pas.
Face au cercueil, un jeune activiste prend la parole pour saluer la mémoire du défunt et le consacrer martyr de la cause mapuche : « Nous sommes venus ici le visage découvert. Même si peut-être demain nous sommes tous arrêtés, nous savons que notre lutte est légitime et que nous avons raison de la mener. Le frère Matias était conscient des risques qu’il prenait en participant à ce processus de reconstruction de notre territoire et de notre peuple. Son combat ne sera pas vain. Pour nous, il est un exemple et nous suivrons ses pas jusqu’à la libération du peuple-nation mapuche. Marichiweu [Dix fois nous vaincrons] !!! ». Le cri parcourt la foule, non sans quelques sanglots, autour du cercueil couvert de fleurs. Chacun donne son témoignage, des messages de peine et de résistance, les souvenirs partagés avec Matias, ce qu’il avait dit, ce qu’il avait fait.

 

ITINERANCE-ANDINE
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