mort
d'un indien mapuche (Fabien
Le Bonniec, cqfd n°53 février 2008)
À l’aube du 3 janvier, alors qu’il
participait à une occupation de terre, le jeune mapuche Matias Catrileo
est abattu à la mitraillette Uzi par un carabinier. Sa mort et la longue
grève de la faim d’une prisonnière politique ont provoqué
des troubles dans tout le Sud chilien.
EN CE BEAU MATIN DE JANVIER, plus de 1500 personnes sont venues assister aux
funérailles traditionnelles. Parmi ses compagnons de lutte réunis
en cercle autour du cercueil, certains étaient présents le jour
où, âgé de 22 ans, Matias tomba. Ils durent quitter le
terrain qu’ils comptaient occuper sous les tirs des carabiniers,emportant
son corps inanimé. Atteint d’une balle dans le dos, un poumon
transpercé, Matias avait tenté de fuir,mais,le souffle court,il
n’avait pas pu franchir le fossé de quatre mètres de profondeur
qui sépare la communauté du terrain particulier. Jorge Luchsinger,
petit-fils de colons suisses et propriétaire du terrain,a fait creuser
ce fossé afin de se protéger – la garde policière
n’étant pas, selon lui, suffisante – des communautés
voisines. « Il ne manque plus que les miradors », commente-t-il
plaisamment.La vingtaine de personnes qui accompagnaient Matias décidèrent
de ne pas abandonner le corps,de peur que les carabiniers n’essaient
d’effacer leur crime.Poursuivis par plusieurs patrouilles,ils parcoururent
une dizaine de kilomètres en portant sa dépouille. Finalement,
avec la médiation de l’Église, le corps fut remis aux
autorités après une journée de tractations, après
avoir obtenu l’assurance que les carabiniers ne le manipuleraient pas.
Face au cercueil, un jeune activiste prend la parole pour saluer la mémoire
du défunt et le consacrer martyr de la cause mapuche : « Nous
sommes venus ici le visage découvert. Même si peut-être
demain nous sommes tous arrêtés, nous savons que notre lutte
est légitime et que nous avons raison de la mener. Le frère
Matias était conscient des risques qu’il prenait en participant
à ce processus de reconstruction de notre territoire et de notre peuple.
Son combat ne sera pas vain. Pour nous, il est un exemple et nous suivrons
ses pas jusqu’à la libération du peuple-nation mapuche.
Marichiweu [Dix fois nous vaincrons] !!! ». Le cri parcourt
la foule, non sans quelques sanglots, autour du cercueil couvert de fleurs.
Chacun donne son témoignage, des messages de peine et de résistance,
les souvenirs partagés avec Matias, ce qu’il avait dit, ce qu’il
avait fait.