mort
d'un indien mapuche (Fabien
Le Bonniec, cqfd n°53 février 2008)
Qu’a donc fait Matias pour finir « martyr » ? Après avoir grandi dans les quartiers populaires de la capitale, Santiago, il part à Temuco, centre du territoire ancestral mapuche, pour y étudier l’agronomie. Très vite, il s’engage dans les groupes de soutien aux prisonniers politiques. Ces prisonniers, au nombre d’une quinzaine, membres et dirigeants de communautés ou simples militants, furent, pour certains,condamnés à des peines de cinq à dix ans de prison ferme. Accusés « d’incendie terroriste » lors de procès où le gouvernement n’a pas hésité à appliquer une loi antiterroriste héritée de la dictature de Pinochet.
Depuis une dizaine d’années, de
nombreux organismes internationaux ont pointé du doigt la criminalisation
de la protestation sociale mapuche. L’État chilien pratique la
politique de la carotte et du bâton.À ceux participant aux réseaux
clientélistes des « partis pour la Démocratie »
et des institutions, de maigres subventions sont octroyées. Par contre,
une « place au chaud » dans les geôles chiliennes
attend ceux qui élèvent la voix et récupèrent
les terres spoliées. Ces terrains sont généralement aux
mains de multinationales forestières ou de grands propriétaires
fonciers. La case prison est précédée par de violentes
perquisitions dans les communautés, durant lesquelles les carabiniers
rudoient femmes, enfants et vieillards.
Mais la presse s’entête à parler de « violence
mapuche » pour requalifier cette répression en « conflit ».
Un conflit où tous les morts sont du côté mapuche. On
évoque en priorité les risques de fuite des investisseurs, on
s’apitoie sur le sort de ceux qui voient leurs milliers d’hectares
encerclés et menacés par ces sauvages. Les paysans mapuche,
eux, ne possèdent généralement pas plus de cinq hectares
par famille. Ce sont les grands propriétaires, pour la plupart descendants
de colons européens, qui font la loi dans ce Farsouth chilien. Nostalgiques
de la dictature et se plaignant d’être abandonnés par le
pouvoir central, ils ont formé des milices armées,suspectées
de réaliser « des auto-attentats » pour justifier
l’emprisonnement des dirigeants revendiquant leurs terres.
Descendants de ceux qui ont dû migrer à la ville, de plus en
plus de jeunes partent à la reconquête de la dignité mapuche
et des territoires ancestraux. Matias Catrileo était l’un d’eux.
Certains sont en prison, d’autres dans la clandestinité. « Nous
sommes un peuple qui a toujours vécu ici, qui est né ici et
qui mourra ici », déclarait Matias, de façon prémonitoire,
dans une vidéo aujourd’hui diffusée sur Internet (http://mapuche.free.fr).