Elle passe la nuit seule dans une grande cage, au milieu
de la jungle. Tous les matins, vers 8H30, nous sommes deux volontaires attitrées
à la rejoindre (pour s'occuper d'un félin, Inti Wara Yassi demande
à ce que le volontaire reste au minimum un mois de manière à
ce que ces derniers s'habituent et que les volontaires aient le temps de décoder
leurs comportements complexes) Nous emportons sa ration quotidienne de poulet,
ses médicaments, et cueillons de l'herbe fraiche de façon à
ce qu'elle puisse se purger, car il n'y a pas d'herbe tendre dans la jungle.
Après 20 minutes de marche sportive dans une jungle chaotique, nous
arrivons à sa cage. Elle est contente de nous voir et fait les cents
pas !
On la fait sortir, on accroche à son collier une grande laisse et on
nettoie sa cage.
Puis, on part pour la journée la promener, mais c'est elle qui décide
où aller. Elle a plusieurs sentiers, marqués par un ruban jaune.
Chaque félin suit un parcours diffèrent de manière à
ne pas se rencontrer, car ils ne s'entendent pas forcément. Aucune
journée ne se ressemblent. Parfois, Milly a de l'énergie à
revendre et l'on marche toute la journée. On a du mal à la suivre,
surtout quand elle quitte les sentiers pour faire du « free-ride »
dans la jungle ! On se prend les pieds dans les racines, les lianes ou les
branches, on escalade d'immenses talus ou on patauge dans le lit d'un ruisseau,
on revient de ces journées invariablement recouvertes de boue et exténuées
! D'autres fois, elle décide de faire la sieste dans la jungle, se
rapprochant de moi pour me sucer le pouce...elle me le rend alors dégoulinant
de salive ! D'autres fois encore, elle devient chasseuse et exécute
cruellement des serpents ou de gros lézards avant de les manger tout
crus en commençant par croquer la tête.
Comme tous les ocelots, elle a un caractère bipolaire : enjouée
le matin, grognon l'après-midi. Elle est parfois tellement agacée
que sur le chemin du retour, il faut faire attention à ne pas faire
trop de bruit lorsqu'on marche; si l'on a le malheur de faire craquer des
branches mortes sous nos pieds, elle se retourne vers nous en nous lançant
un regard noir excédé et grogne... imprévisible Milly
!
Arrivée à la cage vers 16H30, nous lui donnons à manger
et nous séparons d'elle jusqu'au lendemain matin.
Sur le chemin du retour, il faut prudemment fermer les sacs à dos avec
un cadenas car les singes capucins en liberté dans le parc sont des
voleurs hors-pairs et parviennent agilement à ouvrir les fermetures
éclairs ! Il arrive qu'ils vous grimpent sur le dos et y restent accrochés
pendant tout le trajet de retour. Si par malheur ils vous volent quelque chose,
surtout ne pas tenter de reprendre vos affaires, ils vous mordraient car la
chose volée devient leur propriété !
Malgré la dimension éprouvante de ce volontariat (un jour de repos par quinzaine), quel plaisir de voir Milly évoluer dans son milieu naturel toute la journée. Elle n'est malheureusement plus un animal sauvage autonome mais les volontaires qui se succèdent lui donnent tout de même une vie sauvage bien plus agréable que dans une cage !