La montée s'effectue la tête dans les chaussures. C'est dur.
Je me retourne pour maudire cette satanée brume et là... les
nuées s'évaporent par endroit pour finalement nous dévoiler
une vue époustouflante : une mer de nuages enveloppe monts et forêts
mais se laisse transpercer par les pics coniques enneigés des volcans
Puntiagundo et Osorno. Au loin, l'Argentine et le mont Tronador culminant
à 3200 mètres. Un paysage émouvant en constante recomposition,
sculpté par le vent.
Nous réalisons que nous sommes sur le flanc sud du volcan lorsqu'un
petit bruit d'écoulement attire notre attention... Un gros névé
a formé à sa base un petit torrent éphémère.
C'est décidé, nous restons camper là. Nous voulons
assister au coucher de soleil dans ce cadre somptueux. Le bivouac sera certes
un peu bancal et très exposé au vent, mais rien n'est plus
magique et romantique qu'une mer de nuages!
Installation de la tente. Heureusement, Sam a prévu des sardines
« tout terrain », car planter la tente avec du matériel
classique sur un éboulis de scories relève de la gageure.
Nous resterons là, ébahis, à contempler les épais
nuages cotonneux s'empourprer. Parfois, la brise tombe et la brume remontée
en quelques secondes nous engloutit entièrement. Le soleil couchant
se voile alors, et le ciel prend des aspects orange martien. Le froid commence
à nous saisir. Nous faisons vite chauffer quelques pâtes en
ayant protégé au préalable notre réchaud d'un
petit muret de pierres volcaniques. Nous profitons des derniers rayons du
soleil conférant à la mer de nuages des reliefs dignes des
plus grandes toiles de maitres avant de rentrer dans nos appartements. Cette
nuit, le vent latéral a soufflé fort. Ce coquin a plié
les baleines de la tente et a provoqué toute la nuit un vacarme assourdissant.
Une nuit blanche. Ce dernier a ouvert de son souffle puissant la fermeture
éclair de l'abside. Lever en pleine nuit...la mer de nuages s'est
évanouie pour laisser place à une vue saisissante sur la vallée,
avec au loin, de petites lumières...une ville. Dans le ciel, une
voute étoilée sublime...et pour nous, une fermeture éclair
cassée.


