L’un et l’autre sont à l’œuvre depuis
maintenant plusieurs années. Il ne s’agit pas d’une menace,
d’une hypothèse, d’un risque : c’est une réalité.
Elle a pris corps en Asie du Sud-Est et en Amérique Latine, et se propage
désormais rapidement en Afrique aussi.
La Commission Européenne, artisan de ces politiques, rétorque
que sa politique ne peut être mise en rapport avec la crise alimentaire
actuelle, puisque l’Europe vient seulement de décider d’imposer
les agro-carburants. Ce qu’elle ne précise pas, c’est qu’une
première Directive très semblable a été adoptée
déjà en 2003, sauf que la consommation d’agro-carburants
(la Commission parle de "bio"carburants) n’y était
qu’encouragée, et non imposée, par toute une panoplie
de moyens : subventions, exonérations… Certains Etats Membres
ont d’ailleurs transformé cette recommandation en obligation
sur leur territoire.
A l’époque, la Commission a laissé entendre que l’Europe
pourrait produire elle-même les quantités requises. Il n’est
pourtant pas difficile de faire le calcul : le remplacement d’une
partie donnée de la consommation actuelle et projetée d’agro-carburants
(5,75%, conformément à sa Directive de 2003, 10% suivant la
nouvelle proposition de la Commission), cela se traduit en nombre de tonnes.
Et ce nombre de tonnes peut se convertir en nombre d’hectares nécessaires
pour les produire. Les surfaces agricoles disponibles en Europe sont connues
également. Le résultat ne laisse place à aucun doute :
l’Europe est incapable de produire les volumes requis.
Etudes erronées ? Absence d’études ? Etudes
ou information fallacieuses ? Aucune des hypothèses n’est
rassurante.
Face à la crise alimentaire actuelle, la Commission soutient que sa
politique ne peut être incriminée puisque seul un petit pourcentage
des terres européennes a été reconverti à la production
d’agro-carburants. Mais le problème n’est pas dans la production
européenne d’agro-carburants ! Le problème est dans
la très forte demande que la demande européenne d’agro-carburants
fait peser sur l’utilisation des terres dans le reste du monde. Il est
dans la réponse de ce qu’on appelle "les marchés"
- en fait : le secteur industriel et en particulier les grandes entreprises
multinationales. Il est dans les effets désastreux de la politique
européenne (et des Etats-Unis), par l’entremise de ces mêmes
entreprises, sur les pays et sociétés du Tiers-Monde et sur
les parties les plus vulnérables de celles-ci.