C’est là que les gens meurent de faim, ce n’est pas chez nous. "Nos réservoirs pleins, leurs assiettes vides".
Industriels et multinationales n’ont pas attendu 2008 et disposaient, eux de bonnes calculettes. Depuis 2003 et déjà avant, ils ont compris que les quantités requises par la Directive européenne ne pouvaient matériellement pas être fournies par les terres européennes, même si celles-ci étaient consacrées dans leur entièreté à la production d’agro-carburants. Ces mêmes sociétés se sont donc lancées à la conquête des terres agricoles du Tiers-Monde. Ce ne sont plus, désormais, l’uranium ou le pétrole qui font l’objet de toutes les convoitises. Aujourd’hui, le nouvel "or vert" comme certains s’y réfèrent, ce sont les terres agricoles et on assiste à une véritable ruée sur les terres agricoles un peu partout dans le monde.
La Commission rétorque qu’on va mettre en place un système de certification qui garantira l’absence d’impact négatif des agro-carburants. Il faudra prouver en premier lieu qu’ils ne font pas de tort à l’environnement. Et cela alors qu’on nous a laissé entendre qu’on allait avoir recours aux agro-carburants justement pour remédier aux problèmes environnementaux ! La nécessité de tels critères en dit long. C’est que scientifiques et institutions spécialisées ont démontré que le recours aux agro-carburants va causer non pas moins, mais plus d’émissions de gaz à effet de serre que les combustibles d’origine fossile. Il faut en effet tenir compte de tout le cycle de production des agro-carburants, pas seulement des gaz d’échappement émis par les véhicules.

En tout état de cause : comment un système de certification de la production de telle ou telle entreprise à tel ou tel endroit peut-il empêcher la gigantesque reconversion au niveau mondial de terres agricoles à la production d’agro-carburants ? Comment peut-il empêcher la hausse des prix alimentaires que cela entraîne inévitablement ? Comment peut-il empêcher les spéculations qui les amplifient ? Comment peut-il empêcher la dépossession de millions de paysans dans le monde, expulsés aujourd’hui de leurs terres pour faire place à la production d’agro-carburants ? Il n’y a pas de doute qu’une bonne partie de ceux qui, aujourd’hui, sont dans les rues pour manifester contre la hausse des prix alimentaires étaient hier encore des paysans. Les chiffres relatifs à l’exode rural et aux expulsions de paysans au cours des années récentes sont sans ambiguïté.
A la question : "Mais qui pousse donc les agro-carburants si leur impact est si négatif ?", la réponse est simple. Les agrocarburants sont poussés par les producteurs d’agro-carburants et par ceux qui investissent dans ce secteur. Ils sont nombreux, puissants, et concluent des alliances jusqu’alors inédites. C’est ainsi que diverses entreprises pétrolières investissent maintenant dans des plantations agricoles, et que l’industrie automobile investit dans la recherche sur les OGM. 

ITINERANCE-ANDINE
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